Croyait-on la Terre plate au Moyen Âge ? [ST]
2 janv. 2022 | Médiéval1 - Un voyage au Moyen Âge
https://www.youtube.com/watch?v=BY6GakZSZF4
Pour ce qui est de Lactance :
- qu'il n'avait "aucune légitimité en cosmologie" n'a rien à voir, les temps n'étaient pas encore aux "spécialistes" ou à la "légitimité ès X" - il a pu avoir son influence;
- il semble avoir nié que les choses tombent vers le centre de la terre.
Voici son passage:
« Ceux qui pensent qu'il y a des antipodiens opposés à nos pas, cela a-t-il quelque sens ? ou bien y a-t-il quelqu'un d'assez inepte pour croire qu'il y a des hommes dont les plantes des pieds sont au-dessus de leurs têtes ? ou bien que ce qui y est posé par terre, pour nous, pend en étant renversé ? que les herbes et les arbres croissent vers le bas ? que les pluies, la neige et la grêle tombent sur terre vers le haut ? »Lactance, Divinæ Institutiones L.III, chap.XXIV.
Lactance (sur Wikipédia)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lactance#%C2%AB_Pi%C3%A8tre_astronome_%C2%BB
Plus tard St. Augustin (aussi de l'Afrique du Nord) va reprendre le rejet des antipodiens (ce que le mot "antipodes" signifiait à l'époque), en disant plus ou moins "soit que les philosophes ont prouvé que la terre est ronde, je refuse de croire les antipodiens" mais il ne va pas utiliser l'argument d'un sens unique pour la gravitation, comme Lactance, il va dire plus ou moins "car si des gens avaient fait le voyage et étaient de retour, nous le saurions, et il n'y a pas d'autre humanité là-bas qui ne descend pas d'Adam et d'Ève, qui ne soit pas sortie de l'Arche de Noé".
Probablement, St. Augustin était à Milan ou de retour à Carthage en disant ceci, et les deux villes n'ont pas d'antipodes (au sens moderne du mot) qui soient terrestres, et sur des antipodes marins, les antipodiens ne peuvent pas habiter. À 11:25 de la vidéo, Alain dit que pour St. Augustin c'était inconcevable qu'un peuple pourrait ne pas avoir entendu du Christ, possible, mais il ne cite rien, ce qui est sûr, il ne peut pas y avoir un peuple qui ne descend pas de Noé et par lui d'Adam.
St. Virgile (un Irlandais devenu évêque quelque part en Bavière ou en Autriche) est pris à part par son pape pour s'expliquer s'il croyait aux "antipodes" - c'est à dire aux antipodiens. Le pape ne croyait pas forcément que la Terre était plate, encore moins qu'une terre ronde le serait, mais par contre des antipodiens d'une humanité parallèle, ça serait hérétique, car tous les hommes descendent d'Adam, et pour ça tous les hommes sont rachetables par le Christ. Il n'y a pas d'humanité parallèle. Vu que Virgile ne s'était prononcé que sur la forme physique de la terre, il n'a pas été condamné. Il a, comme dit, même était canonisé de la suite.
St. Isidore de Séville semble ne pas avoir condamné l'idée des antipodes, et justement, les antipodes de Séville sont en Nouvelle Zélandie, donc aptes à contenir des antipodiens, ce que le mot "antipodes" voulait dire à l'époque. Ce que l'argument de St. Augustin voulait couvrir, il avait oublié (ou jamais répéré) que la mer pouvait avoir une navigabilité inégale dans les deux sens (Azores à Cuba est plus facile que Cuba aux Azores, par exemple) et encore que certains groupes d'hommes aient pu arriver sans de vouloir revenir en arrière.
L'idée d'une terre plate est certes moquée, Photius dans sa Bibliothéké / Vivliothiki se moque de Cosmas Indicopleustes, par contre, elle n'est pas condamnée. St. Augustin et St. Basile disent assez clairement que la forme de la terre n'est pas d'une importance primordiale. St. Augustin va certes avoir une méfiance disciplinaire envers ceux qui mettent la Bible au risque du ridicule par une affirmation que la Bible prouverait la terre plate (ce qu'elle ne fait pas, j'ai vérifié tous les types de lieux sur lesquelles on base l'allégation qu'un litteralisme biblique prônerait la terre plate), mais il le dit dans un livre d'exégèse, pas dans une énumération d'hérésies ou (que je sache) dans un concile condamnant une hérésie (par exemple les Donatistes).
L'idée que l'Église devait veiller sur la croyance dans la science la mieux établie des institutions scientifiques n'est pas là : pour cause, il n'y a pas d'institutions scientifiques, à cette époque, elles seront créés par l'Église plus tard, qu'on les considère ou non comme calquées sur des modèles dans l'Islam. Aucun père de l'Église pour loin qu'il soit à Lactance, aurait pu dire des choses comme les §§ 283 et 284 du "Catéchisme de l'Église Catholique" sur les savoirs des sciences naturelles, ni comme le § 289 qui reprenait des "résultats" des "recherches bibliques". S'il y avait des fake news dans les sciences ou non, leur attitude était pas "il ne faut pas qu'il y ait" mais "il y a bien entendu, mais ce n'est pas grave tant qu'on ne les pose pas au-dessus de la Bible ou autrement contre la foi."
Traduire "heimskringla" comme "orbe du monde" dans le texte littéraire est passable, mais le mot "kringla" ne veut pas dire "orbe" mais plutôt "cercle" ou "autour" - dans les langues scandinaves, islandais comme suédois, le mot pour "prétzel" est "kringla" - de fait, le monde nordique était probablement un peu à côté, avant de devenir chrétien, et les Scandinaves du paganisme ou des premiers temps du Christianisme ont pu croire la terre plate, autant plus que les mythes scandinaves rappellent pas mal les mythes canaanéens. Quant à Sacrobosco (John of Holywood ou John of Holybush), il est un Anglais, et s'il utilise les observations des marins scandinaves, dans son oeuvre édité ici à Paris, avant 1256, date probable de sa mort, ça ne prouve pas que c'était l'idée traditionnelle des Scandinaves.
J'aime très bien qu'Alain évoque correctement la reproche fait à Galilée, sauf qu'il présente les mouvements diurnes et annuels supposés par lui comme de le Terre, autour d'elle-même et autour du Soleil, comme des faits. Par contre, "querelle d'égos entre le pape et l'homme de science" est faux, complètement. D'abord, le pape dont la personne était indirectement peut-être insulté par un personnage de dialogue fictive de Galilée, s'est écarté du procès, les Inquisiteurs en 1633 peuvent décider sans de tenir compte de ses sentiments, ensuite, ce n'était pas le premier procès où des oeuvres de Galilée étaient en cause, et pour le premier, où sa personne ne l'était pas, le juge est St. Robert Bellarmin, qu'on ne peut pas considérer comme imbu de soi-même.
En 1616, Bellarmin ordonne à Galilée de cesser d'enseigner comme vrai l'héliocentrisme de Nicolas Copernic. Selon lui, ce système ne doit rester qu'une simple hypothèse mathématique dépourvue d'affirmation philosophique. C'est du reste ce que préconise, dans la préface au « De revolutionibus orbium coelestium » de Copernic qu'il a publié en 1543, le théologien luthérien Andreas Osiander. Cette interdiction d’enseigner, qui n’est pas encore une condamnation, est notifiée à Galilée début 1616.
[St.] Robert Bellarmin (sur Wikipédia)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Bellarmin
Si ça sonne comme si St. Robert était somme tout assez favorable à l'héliocentrisme, ce n'est pas le cas. Regardons la version allemande:
In Rom hatte Bellarmin Galileo Galilei kennengelernt, den er als Naturwissenschaftler aber auch als gläubigen Christen wohl zu schätzen wusste. Als 1615 der Karmeliter Paolo Antonio Foscarini ein Buch veröffentlichte, das beweisen sollte, dass die in De revolutionibus orbium coelestium formulierte kopernikanische Astronomie nicht der Heiligen Schrift widersprach, eröffnete die Römische Kongregation für den Index verbotener Bücher ein Untersuchungsverfahren. Am Ende dieses Verfahrens stand 1616 das Verbot von Foscarinis Werk, die „Suspendierung“ von Nicolaus Copernicus’ De revolutionibus und die klare Aussage, die kopernikanische Astronomie sei „falsch und der Heiligen Schrift zuwiderlaufend“. Bellarmin hatte als Berater des Papstes bei der Vorbereitung dieses Verfahrens eine Führungsrolle und war auch derjenige, der Galilei die Haltung des Vatikans deutlich machte.
[Der hl.] Robert Bellarmin (auf Wikipedia)
https://de.wikipedia.org/wiki/Robert_Bellarmin
Je traduis : à Rome, Bellarmin avait connu Galilée, qu'il savait apprécier comme homme des sciences naturelles mais aussi comme Chrétien croyant. Quand en 1615 le Carme Paul-Antoine Foscarin publia un livre qui devait prouver que l'astronomie copernicienne formulée en De revolutionibus coelestium n'était pas en contradiction d'avec l'Écriture sainte, la Congrégation romaine pour l'Index des livres interdits lança une enquête - à la fin de laquele en 1616, l'oeuvre de Foscarini était condamné, De revolutionibus de Copernic était suspendu, et ça fut dit clairement que l'astronomie copernicienne était "fausse et en contradiction d'avec l'Écriture sainte" - dans cette enquête, Bellarmin avait un rôle de chef, en tant que conseiller du pape à la préparation de l'enquête et fut aussi celui qui communiqua à Galilée l'attitude du Vatican. Fin de ma traduction.
Ce qu'Alain dit sur le XIX S. qui "reprend tout cela pour prouver combien le passé était rustre" je suis d'accord, bien entendu, mais dedans il y a aussi le rôle de l'école obligatoire, qui va populariser, comme plus tard sous Lénine elle le fera avec l'athéisme et l'évolutionnisme, cette idée d'une astronomie réellement héliocentrique, et donc une forme de "preuve" à charge contre l'Église - pas mal de pays qui introduisaient cette école obligatoire avaient dans ce moment un régime anticatholique. C'est le cas pour le régime Ferry-Combes en France, Cavour-Casati en Italie, pas mal d'états protestants avant.
Hans Georg Lundahl
Paris
St. Clet, pape et martyr
26.IV.2022
PS - et pour le régime de Maria Teresia, réllement déjà celui de son fils Joseph II, anticlérical connu. Pour la Prusse, c'est une évidence, ils avaient accueilli les Huguenots, entre autre./HGL
PPS - pour des gens qui prennent Kaamelott pour un documentaire sur le Moyen âge et qui prennent le sus-dits comme incroyable, que ce serait impossible à attribuer une telle sophistication (notamment matheuse) au Moyen âge, je vous renvoie à :
La bataille des nombres au Moyen Âge - Le jeu de la Rithmomachie
29 avr. 2022 | Nota Bonus
https://www.youtube.com/watch?v=QwLZ_i1qK8A
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